19 août 2005

Fatigué des brevets

Depuis Google qui veut déposer un brevet sur la pub par RSS jusqu'à Monsanto qui veut breveter les porcs (!) en passant par les brevets logiciels, on est en droit de se demander si, finallement, le brevet ne devient pas un obstacle plutôt qu'un instrument de régulation économique.



C'est là, la question que s'est posé le mensuel Alternatives Economiques (n°229 - octobre 2004) dans un article intitulé 'Les brevets bloquent la recherche' dont voici quelques extraits:
[...] la Federal Trade Commission américaine, l’équivalent de la direction de la Concurrence de l’Union européenne, s’est à son tour inquiétée de l’évolution du système de protection de la propriété intellectuelle, en particulier aux Etats-Unis. Elle a publié une vaste enquête qui souligne les excès dans l’octroi de brevets redondants ou se recoupant, entraînant de graves entorses du point de vue de la concurrence et un ralentissement de la production de connaissances.
L’économiste Claude Henry s'interroge:
« Gènes et protéines constituent, à l’instar des services publics traditionnels (électricité, chemins de fer, télécommunications), une infrastructure essentielle pour de nombreuses activités de recherche, de prévention, de soins, d’une importance critique pour la santé publique [...] Si des détenteurs de brevets sur les gènes, des fragments de gènes ou des protéines n’offrent pas de licences à des conditions raisonnables, il n’est pas moins économiquement justifié de les réguler que de le faire pour les propriétaires de réseaux électriques, de chemins de fer ou de télécommunications. »
Car...
Selon une étude américaine menée par David Zilberman, de l’université de Berkeley, les acteurs publics ne détiennent en effet actuellement que 24 % des brevets de biotechnologie. Le reste appartient à des firmes privées, dont 40 % aux cinq entreprises les plus importantes : Monsanto, DuPont, Syngenta AG, Bayer AG et Dow Chemical Co.
Et y a t-il une esquisse de solution ?
Une vision plus radicale encore se développe également : c’est le concept de science libre ou de « source ouverte ». A l’image des logiciels libres, il s’agit de bâtir des pots communs d’information disponibles pour tous. C’est la bataille autour du génome humain qui a ouvert la voie. Des sociétés privées, en particulier la société Celera Genomics de l’Américain Craig Venter, espéraient breveter les gènes découverts et profiter ainsi des travaux ultérieurs réalisés sur eux. Résultat : une levée de boucliers. Après moult controverses, la bataille a finalement été gagnée : l’accès aux données du génome humain est resté public et gratuit.
Dieu merci ! Breveter le génome humain... Et dire qu'il a fallu batailler ! Cela en dit long... Et ce n'est qu'UNE bataille (et non la guerre!) Exemple avec le dossier « Humains à vendre » réalisé par Transfert (n°13, avril 2001, p. 31):
« « Certains d’entre vous me connaissent sûrement comme le brevet n° 4 438 032. Mon vrai nom est John Moore. » C’est ainsi que se présente parfois ce père de famille de 57 ans. Son histoire, unique, est celle d’un patient dont les cellules ont été brevetées à son insu. En 1976, John Moore apprend qu’il a une forme très rare de cancer de la rate, qui lui laisse, au mieux, 5 ans à vivre. Il se rend à l’université de Californie consulter le docteur Golde, un grand spécialiste. Golde fait opérer Moore avec succès, mais prend soin de garder des échantillons de sa rate. Dans le cadre de son suivi post-opératoire, John Moore revient voir son sauveur, tous les 6 mois, pendant sept ans.

En janvier 1983, Golde dépose une demande de brevet sur les cellules de John Moore. Elle lui est accordée l’année suivante. Quand Golde lui demande de signer un formulaire de consentement d’une trentaine de pages, Moore s’inquiète et découvre qu’il a été « trompé volé et exploité par son docteur. » Il l’attaque en septembre 1984, ainsi que la société Genetics Institute et le groupe pharmaceutique suisse Sandoz, qui ont acheté les licences pour un nombre inconnu de millions de dollars. Très médiatique, le procès s’ouvre en 1984 et s’achève en 1990, devant la cour suprême de Californie. Elle rend un verdict historique : elle ne reconnaît à John Moore aucun droit de propriété sur ses cellules, « pour ne pas handicaper la recherche médicale en restreignant l’accès aux matériaux nécessaires. » L’industrie médicale se félicite, le docteur verse une compensation financière à John Moore, mais conserve son brevet.

Depuis, John Moore s’est lancé, avec l’ONG Edmonds Institute, dans la lutte contre le biopiratage. Il clame son message de par le monde : « Que se passera-t-il quand les grands groupes pharmaceutiques revendront leur propre identité génétique aux gens dont le génome a été prélevé ? Qu’arrivera-t-il quand il ne pourront pas l’acheter car le prix sera trop élevé ? » Aujourd’hui, John Moore vit dans l’état de Washington et le docteur Golde poursuit sa belle carrière. »
Eloquent !

LIENS & SOURCES

Article Alternative Economique:
http://www.alternatives-economiques.fr/site/229_005.html

Human Genome Project:
http://www.ornl.gov/sci/techresources/Human_Genome/home.shtml

Dossier en ligne ' Humains à vendre ', Transfert.net:
http://www.transfert.net/a6348

NGO The Edmonds Institute:
http://www.edmonds-institute.org