19 septembre 2005

SMSI, UIT et droit à la communication

Au jour d'aujourd'hui, on entend pratiquement plus rien à ce sujet dans les médias mais il y a fort à parier qu'il sera à nouveau à l'honneur dans les temps qui viennent. Il s'agit du Somment Mondial sur la Société de l'Information (SMSI) dont la deuxième phase se déroulera mi-novembre 2005.

De la 1ère partie (2003), nous pouvons lire des compte-rendus tels que ceux de : l'Union Européenne de Radio-Télévision, le dossier Le Temps.ch ou encore La Vie du Net, etc. Mais ces articles -médiatiquement parlant irréprochables- me laissent sur ma faim.

Le site Vecam (qui vise -entre autre- à mettre le droit à la communication au même rang que le droit à la liberté, à l'eau (pas gagné), à l'enseignement, à la dignité (à quand le tour des langages, de la biodiversité et du code génétique?)), propose un point de vue assez intéressant sur le sujet.

Mais c'est un article d'Antonio Pasquali (ancien Sous-Directeur Général de l’UNESCO pour le Secteur de la Communication) qui m'a défintivement convaincu. Il est disponible sur le site du CSDPTT (Coopération-Solidarité-Développement) et il est vraiment très pertinent. Voici quelques extraits mais je vous recommande -chaudement- l'article dans sa totalité.



A PROPOS DU SMSI (site du SMSI)
[...] cacherait-il [le SMSI] quelque chose dans son ventre ? Je fais partie de ceux qui répondraient oui, et ce doute méthodique demande à ce qu’on s’interroge sérieusement sur : 1° la pertinence, la compétence et les intentions de ceux qui invitent et de ceux qui sont invités, et 2° sur les vices cachés - en particulier par omission - des thèmes qui seront inscrits à l’agenda.

[...] Au cours du dernier quart de siècle, les grandes puissances ont décidé que le beau principe de la nouvelle diplomatie multilatérale, issu de la Deuxième Guerre Mondiale: un pays, une voix, était contraire à leurs intérêts stratégiques. L’élaboration parallèle d’un deuxième grand paradigme de cohabitation universelle commence alors, avec la mise en place d’une nouvelle logique de "gouvernance" du monde, aujourd’hui presque entièrement institutionnalisée dans le méga-club patronal FMI/BM/OCDE/OMC/G8, où la voix des États-Unis (c’est le cas du FMI) pèse jusqu’à 1.322 fois plus que celle des plus petits États de la planète.

[...] un bien commun [l'eau] de l’humanité auquel cet attribut est refusé afin de faciliter sa prochaine conversion en une affaire de trois mille milliards de dollars par an... La réduction irrépressible de la complexité infinie des activités humaines à leur simple dimension économique a commencé à engendrer de véritables monstres, tels que l’offre faite aux pays les moins avancés de surseoir à leurs dettes en échange d’une mainmise sur leurs richesses naturelles, ou la création d’une Bourse du droit de pollution atmosphérique, déjà ouverte à Londres, où les différents pays peuvent se vendre et s’acheter mutuellement des quotas de pollution.

[...] De cette ONU, contrainte à s’amenuiser toujours plus, on exige paradoxalement un activisme soumis pour la privatisation du système monde. Les Rapports du Développement Humain ONU/PNUD de 1999 et 2000 sont suffisamment explicites à ce sujet, même derrière les bonnes intentions apparentes : "Les structures et les processus de formulation de normes à l’échelle mondiale ne sont plus représentatifs, ... les multinationales sont devenues trop importantes pour que leur reste confiée la fixation des normes de conduite les concernant ; ... nous avons besoin d’un système élargi de l’Organisation des Nations-Unies, incluant une Assemblée Générale bicaméraliste pour faire place aux représentants de la société civile ; ... si l’on intégrait les multinationales dans les institutions de la structure du gouvernement mondial, leur position deviendrait plus transparente et leur responsabilité sociale ferait l’objet d’une plus grande responsabilité publique...". Cela a amené l’actuel Secrétaire Général à organiser, en septembre 2000, une Conférence Internationale pour la Réforme de l’ONU, que le Wall Street Journal du 11.09.2000 a qualifié de "pur triomphe du marketing". Dans le domaine de la communication, c’est évidemment le même refrain. Le Rapport du Développement Humain de 1999 affichait en couverture le graphique, frappant et charitable, de la répartition d’Internet dans le monde (91 % pour les pays de l’OCDE), [...]

[...] l’on appris avec surprise que les Nations-Unies s’étaient dotées de leur propre Division de la Communication et de l’Informatique (domaines qui sont de la compétence d’autres organisations du Système), dont le but est "d’aider à réduire la brèche mondiale dans le domaine des technologies de l’information... pour ceux qui n’ont pas accès à la révolution digitale...", et que dans son sein, en qualité de "membres actifs de l’équipe de travail" (une nomenclature inédite dans le jargon onusien) figuraient le magnat vénézuélien des médias, Gustavo Cisneros, la présidente de Hewlett-Packard, Fiorina Carleston, et le président de la Banque Mondiale, James Wolfensohn... Tout un programme sur le rôle que l’on souhaite désormais confier aux multinationales dans le domaine de l’information et de la communication !

[...] Si on la lit avec attention, l’invitation officielle de l’UIT faite à la famille des Nations-Unies, au secteur privé, à la société civile et aux organisations non gouvernementales, est un petit chef-d’oeuvre de confusions et d’hypocrisies savamment mêlées [...]


A PROPOS DE L'UIT (site de l'Union Internationale des Télécoms)
[...] Le fait que le Secrétariat Général ait choisi l’Union Internationale des Télécommunications, l’UIT, comme principal responsable de l’organisation des deux Sommets Mondiaux de la Société de l’Information avec mandat "d’y jouer un rôle capital", se prête également à quelques considérations.

[...] Un dernier petit détail : la nouvelle UIT est aujourd’hui, parmi les organisations du système des Nations-Unies, l’une des plus avancées sur le chemin de la semi-privatisation, donc la mieux à même de porter la tentative générale du Secrétariat définie précédemment. Siemens, Motorola, Bell, Nec, Alcatel, Ericsson et AT&T font partie de son principal organe consultatif, quasi-délibératif, depuis 1992. C’est un détail à relever, inter alia, parce qu’une même multinationale pourrait, à la limite, être représentée à la tête de l’Union, voir ses intérêts défendus par la délégation gouvernementale de son pays d’origine, assister au Sommet sur invitation, et se glisser côté "société civile" au moyen d’une fondation ou d’une ONG amie.
Voilà qui est beaucoup plus clair ! Au moins maintenant, je sais à quoi m'en tenir.

EN SAVOIR PLUS